Par François Walgenwitz
» Une vie, une Œuvre, pour le plaisir des passionnés d’Art Alsacien »
Marcel Rieder (1862 Thann -1942 Villiers-sous-Grez)
Peintre de l’heure exquise
« Il y a toujours, dans les toiles de Marcel Rieder, un intérêt anecdotique qui leur vaut leur grande popularité. Mais il y a surtout la qualité rare du métier qui les fait rechercher par les collectionneurs avertis et leur procure un plaisir délicat » (Marc Lenossos1930)
Marcel Rieder est né à Thann en 1862 dans une famille d’industriels. Son grand-père maternel avait racheté la filature Koechlin à Bitschwiller. Un de ses oncles était un associé du manufacturier Jean Zuber, dans la societe Zuber-Rieder. Par ailleurs, son grand-père paternel était pasteur protestant d’abord à Colmar puis à Srasbourg. Il occupait aussi les fonctions de secrétaire de l’écrivain Théodore Pfeffel.
Avec ses talents artistiques il est accepté à l’École Supérieure des Beaux Arts, comme élève de l’académicien Alexandre Cabanel sans pour autant subir son influence. Contemporain de J.–J. Henner (1829-1905), Marcel Rieder appartient comme lui à la «vieille école». Il réalise des compositions allégoriques, de grands formats d’inspiration mythologique; ce qui lui vaut parfois d’être relégué au rang des peintres dits «pompiers». A tort! Car son académisme n’est ni emphatique ni prétentieux.
Et son «Dante pleurant Béatrice» – son premier grand succès, en 1894 – acquis par le musée des Beaux Arts de Mulhouse, est purement et simplement un chef-d’œuvre.
Le vrai Marcel Rieder se révèle après 1897. Cette année-là, il fréquente le peintre danois Johansen, connu pour ses tableaux intimistes. «Depuis, dit le critique Marc Lenossos, Marcel Rieder est demeuré le peintre des nuits et des crépuscules, de cette heure indécise où le jour n’est plus le jour et n’est pas encore la nuit… L’heure à laquelle on allume successivement, au cours du dernier demi-siècle, les bougies, la lampe à pétrole, le papillon à gaz et les ampoules électriques.» Il maîtrise parfaitement toutes les techniques, notamment l’huile. Sa grande expérience l’a doté d’une palette très sélective qui adoucit les contours et affine les dégradés de couleurs.
Une autre passion anime Marcel Rieder: la musique. Pianiste de talent, il est aussi choriste à la Société Bach où il côtoie Albert Schweitzer dont il réalise un portrait.
Marcel Rieder est un prodigieux exécutant. L’émotion en plus ! Âme sensible, observateur attendri des joies familiales, il met en scène, dans de chaleureux décors bourgeois, des jeunes filles lisant ou s’adonnant à des tâches ménagères, une future mère préparant une layette, une épouse attendant le retour du maître de maison… Ou encore, dans de somptueuses demeures à colonnades et pergolas donnant sur un lac (en l’occurrence celui d’Annecy), il évoque l’extrême raffinement de la «Belle Epoque». Une autre recherche du temps perdu… Et nous viennent, spontanément à l’esprit, les vers célèbres de Baudelaire :
» Là, tout n’est qu’ordre et beauté Luxe, calme et volupté »