1881-03-04 lettre d’Aimé Rieder à son fils Marcel (19 ans)
Enveloppe à en-tête « Aimé Rieder, Mulhouse, Alsace »
Format 26 X 20,5 cm avec liserai noir, feuille pliée en deux = 4 pages d’écriture manuscrite Commentaires : Aimé donne des conseils à son fils, étudiant à Paris, pour développer son savoir-faire d’artiste peintre. Il évoque ses qualités et ses défauts. Il donne des nouvelles de sa famille et des lieux qu’il fréquente ou qu’il a fréquenté dans le passé avec son fils. Dans la transcription, la barre / représente un changement de page. les doubles points d’interrogation ( ??) signifient que le mot est illisible et un seul point d’interrogation ( ?) que la traduction est incertaine ce qui est le cas pour plusieurs lieux-dits.
Lieux cités : Mulhouse, Thann et l’Île Napoléon, Vonstücke (?), le Kattenbach (lieu-dit et école élémentaire aujourd’hui au bord de la Thur à Thann), le Heinby ( ?), le Bungert ( place et école maternelle en bordure de la Thur à Thann), 5 rue de l’Hospice (à côté de «la synagogue » de Mulhouse, cabinet d’Aimé Rieder père et chambre d’Aimé fils, la rue ne semble plus exister aujourd’hui)
Personnages cités : Léon, Eugénie Woeker, Jacques, maman, oncle Amédée (frère d’Aimé Rieder récemment décédé), Grand papa et grand maman, Aimé(fils de l’auteur et frère de Marcel)
Mulhouse le 4 mars 1881
Mon cher Marcel
Il y a si longtemps que je t’ai plus écrit, autrement qu’un mail au galop, que j’en suis mal. J’aimerais tant causer beaucoup avec toi et je n’ai pas l’esprit à la correspondance avec mes fils depuis longtemps, depuis des semaines.
J’ai eu, en fait de lettre particulières, à écrire longuement à Léon, à Eugénie Woeker, à Jacques et autres et cela m’enrage quand je me vois ainsi détourné de mes pensées pour mes fils, ou du moins, de leur dire mes pensées car j’ai souvent la tête et le cœur pleins de vous. Je voudrais vous voir, vous avoir auprès de nous. Si vous saviez combien je regrette le temps où nous vivions ensemble, ou, tout en grognant quelquefois, nous causions aussi pourtant, nous nous promenions, nous échangions nos impressions /
Toi, dans le tourbillon de ton travail, de ton entourage, de tes distractions et récréations artistiques et autres, tu as moins le temps de penser à ce temps passé. Moi je ne me promène plus. D’abord mes jambes et mon dos sont raides et je ne supporte plus les courses un peu longues. Puis maman n’est pas promenade et quand il m’est arrivé une fois ou deux d’aller seul au Thannen (??), je me suis senti triste d’y être seul, dans tous ces endroits où nous avions l’habitude d’aller ensemble. Ce serait si bon, quand on se sent devenir vieux, d’être entouré de ces enfants. Aimé est trop absorbé par ses occupations, par ses relations, pour que nous jouissions beaucoup de lui. Comme toi, nous étions une paire d’amis et je me demande s’il me sera encore donné d’avoir des années de la bonne vie que nous menions ensemble. Je serais si heureux de suivre tes travaux, tes études, ton développement. Quelque fois je ne demande aussi si tu es toujours dans le vrai pour la direction de ton développement. Il est vrai, que même su je venais avec toi, je ne pourrais pas te guider ; mais je te suivrais. Je verrais tes yeux s’ouvrir, ta main se former, / ton esprit murir et se former. Cela me ferait un plaisir inouï. Tu as bien changé et progressé dans la façon d’apprécier et de voir, je crois. Ne t’égares-tu pas quelquefois et ta main rend-elle ce que tu sens un peu plus facilement qu’au début. Je veux dire : proportion gardée de ton développement intellectuel, ton savoir-faire matériel va-t-il de pair ? je t’ai toujours vu la conception et le sentiment infiniment plus
développé que le savoir faire manuel. J’espère que les deux facultés se sont développées ou sont au moins en bon chemin de se joindre. Tu ne m’as jamais parlé de tes cours cette année. Que fais-tu, rédiges-tu pour tirer tout le fruit de ce que tu entends. Ne musardes-tu pas trop, tout en ?? dans d’autres moments. Quand je suis calme chez moi je rumine tout cela et je prends des envies démesurées de te voir.
Nous vivons ici uniformément et assez tristement. Les évènements de ces derniers temps, la mort de ton oncle Amédée, l’état de santé de grand papa et de grand-maman changent bien notre existence. Thann et l’Île napoléon ont bien changé pour nous. Tu as fait grand plaisir à Grand-maman en lui adressant tes cartes et tu as été gentil de le faire avec suite. Elle va mieux mais n’est pas revenue à son état normal encore. /
Si tu savais comme tout est changé à Thann dans notre pauvre maison. C’est une ?? ??, maintenant avec six ménages qui grouillent dans l’ancien logement Heuriet (?). Le jardin ne sera plus possible, le corridor est une rue où grouillent les moutards. La chaumière est tombée en ruine. Le toit s’est effondré sous la neige et la dernière fois que j’ai été à Thann gisant sur le (mot effacé) encombrant tout l’espace entre les poteaux (mot effacé) et les parois défoncées. Ce bon petit coin où nous avons passé de si agréables moments, le voilà ruiné, perdu. Enfin il nous restera le bonne Vonstücke (?) et dehors le Kattenbach et le Heinby (?). Le Bungert même est abîmé. On a bâti un abattoir au bord de la rivière presque au pied de la bonne vieille tour où tu rêvais d’avoir ton atelier. Comme les choses changent. Tu sais que j’ai déménagé mon bureau et qu’Aimé a sa chambre à coté de mon cabinet 5 rue de l’Hospice, c’est-à-dire à côté de la synagogue. Chez nous au moins, tout est encore de même. . Ta chambre avec tes toiles et dessins nous rappelle le bon temps où nous t’avions. Elle n’est pas belle mais je l’aime bien. J’ai toujours dans ma chambre à coucher tous tes dessins tels que je les ai accrochés la veille de ton départ et cela me fait plaisir de les voir là, de les regarder tous les jours. Je finis par les apprécier à l’égal d’œuvres de maître, à force d’y chercher et d’y voir tes intentions.
Commentaire : la lettre semble inachevée, sans formule d’adieu ni signature ce qui est inhabituel. IL manque une feuille retrouvée depuis (voir lettre du 5 mars 1881 à transcrire)
Transcrit par Patrick Dubreucq , à Thomery, le 03 février 2023.
1881-03-05 lettre d’Aimé Rieder à son fils Marcel
Cette lettre est une suite de celle du 4 mars 1881, probablement envoyée dans la même enveloppe Enveloppe non retrouvée.
Format 21,5 X 13 écrit recto-verso
Lieux cités : Thann, Ferrette (68480), Munster
Personnages cités : Maman, M. Kremer inspecteur, M. L’Ecuyer, inspecteur vie, Eugénie Waeler( ?), Emilie Dietz de Munster, tante Fanny (Fanny Gros épouse d’Amédée Rieder récemment décédé), Gabriel( frère de Marcel), Oncle Fritz ( 1828-1896, frère d’Aimé Rieder père), Tante marie ( 1823- 1901 -Marie Denzel, épouse de Fritz Rieder), Victor Hugo (fête ses 80 ans le 27 février, voir lien en bas de page), Carolus Duran (lien en bas de page), Fritz (Fritz Rieder 1828-1896, oncle de Marcel), Marty ( ? Edouard Marty a épousé Marg. la fille de Fritz Rieder)
Commentaire : on perçoit à travers cette lettre que la maman de Marcel – selon les dires de son mari – se méfie des milieux artistiques qui s’écartent un peu de l’académisme
5 mars 1881,
Je t’ai écrit hier au soir la feuille jointe avant de rentrer chez moi. Maintenant je suis seul. Maman est partie pour Thann à 1h1/2. Elle y passera la journée de demain. Moi je suis retenu ici. Toute la matinée j’ai été obligé de courir avec M. L’Ecuyer, inspecteur vie, qui est arrivé sans m’avoir prévenu, de sorte que j’avais envoyé mon inspecteur M. Kremer qui devait les courses avec lui à Ferrette. Comme il pleut et qu’il fait une boue affreuse, je suis éreinté. Malgré cela, il faut que j’aille à la gare pour attendre Eugénie Waeler ( ?) qui arrive pour prendre une place à l’hôtel Central, ancien Léon Rouzes ( ?). IL faudra que je la conduise là. Demain, j’ai à diner Madame Emilie Dietz de Munster qui vient avec sa fille et qui veut faire une visite à tante Fanny après moi. IL faudra donc que l’y conduise. Aimé est ici. IL est revenu ce matin de voyage et ce soir il va à un banquet de la Concordia, de sorte que je souperai seul ; mais il sera ici demain.
Nous avons reçu ce matin une courte lettre de Gabriel qui nous en promet une plus longue très prochainement. IL était resté une éternité sans nous écrire. Comment va donc Julien. Je pense qu’il est tout à fait remis. Je voudrais /depuis longtemps écrire à oncle Fritz et à tante Marie mais je n’y arrive jamais. J’ai reçu ta carte et ton 19ème siècle et je t’en remercie. Tu as eu une fameuse chance de voir cette fête de Victor Hugo 1. Comme c’est autre chose, ces fêtes là que les malheureux 15 août d’autrefois. Ta maman est inquiète de te savoir à l’atelier de Carolus Duran2, elle me charge de te demander si on ne t’y maltraite pas, si l’esprit n’y est pas trop mauvais et si tu n’es pas scandalisé de l’esprit et des mœurs de tes condisciples. Je lui dis que tu es là, sans doute, dans d’autres conditions qu’un travail admis dans un grand atelier, que tu n’es là que pour un cours. Enfin, écris-nous et raconte-nous comment tu te trouves là. J’espère que le mail sera rassurant pour ta pauvre mère qui se fait beaucoup de soucis de ta vie d’atelier qui lui a été dépeinte dans d’affreuses couleurs par la sœur d’un jeune Meyer( ?) d’ici qui en a été entièrement dégoûté. Je ne sais dans quel atelier il était mais le pauvre garçon est sourd-muet. C’est une mauvaise condition pour un artiste. Heureusement pour lui, il est millionnaire, il aura toujours du pain sur la planche. Sa sœur, une charmante jeune fille du reste, est à Paris et va à la Concordia (?) je crois que ta maman t’en a parlé. Adieu mon cher fils. Amitiés à tous les Fritz et Marty. Je t’embrasse avec Gabriel de tout cœur. Ton père. Aimé Rieder.
Transcrit par Patrick Dubreucq à Thomery le 4 février 2023.
1890-10-14 lettre de Marie-Elisabeth Rieder (née Schlumberger) à son fils Marcel à Paris
Format 26 cm sur 21 cm plié en 2 utilisé recto-verso
Enveloppe non retrouvée Lieux cités : Neudorf (banlieue de Strasbourg), Paris
Personnages cités : Madame Herrmann (peut-être la maman de l’épouse d’Aimé Rieder , frère de Marcel : L.H.Nelly Herrmann) , Mme Huter (Lydie Kelman), Rodolphe, les Hueff, Madeleine (femme de maison), Elisa …
Commentaire : écriture difficile à déchiffrer. Le courrier montre qu’à l’époque Marcel fait des portraits, qu’il vit dans une soupente à Paris, que sa mère se préoccupe de son confort. Elle lui raconte sa vie quotidienne faite d’invitations à des dîners et de repas chez elle…
Cette lettre est à rapprocher de celle de Gabriel à son frère le même jour où des questions identiques sont abordées.
Neudorf 14 octobre 1890
Mon cher Marcel
Je viens de trousser un lièvre que nous ferons en civet demain et pendant que le pot-au-feu cuit je peux enfin venir causer avec toi, m’occuper un peu de toi. Madame Herrmann est partie ?? à 4 heures et ?? ?? si ?? ?? ces quelques jours grâce au départ subi de Madeleine que je n’avais même pas le loisir de bien sentir ton absence et c’est maintenant plutôt que le vide se fait sentir. Je me console avec la pensée de te voir au nouvel an soit que nous allions à Paris, soit que tu viennes ici en
cachette. Figure-toi que Mme Huter (Lydie Kulman) est venue pour te demander de faire son portrait, elle était absente et espérait encore te tracasser. Le portrait de Rodolphe est admiré chez Edel Rüchel avec restrictions et critiques au sujet de la tenue de la tête, les unes l’approuvent, les autres le blâment, enfin en le disant et Rodolphe croit qu’il y aurait peut-être deux portraits à faire chez les Hueff, le père et une des filles ; si tu en avais 3 à 500 francs, pourrais-tu les faire en 15 jours ? Cela
vaudrait la peine de venir.
Il y a un vilain brouillard qui assombrit et attriste, on sent l’hiver venir à grands pas. J’espère que tu as fait arranger tes poches et que tu peux te changer.
Dis-le-moi, quelle longueur ta soupente, pauvre Marcel, tu y auras trop chaud du bas et froid du haut, par la couverture juste sous le toit, cela doit être bien mince, il te pleuvra peut-être dessus. Et puis estce solide, si tu allais tomber de 4 mètres en dormant. Réponds à cela
Tu dois commencer à voir un peu clair dans ton fouillis à présent que tu as eu un peu d’aide.Tu raconteras si tu sens bien chez toi, mieux que dans l’autre.
Tes caisses sont parties samedi affranchies 5 francs 50. De sorte que si on te faisait payer ce serait du vol, il faut refuser. C’est très bien emballé, ?? part dans un ?? Je regrette que tu n’aies pas emporté l’habit de ?? , c’est justement ce qui pourrait encore un peu te servir avant le vrai froid. Tu nous diras dès que tu auras reçu cet envoi. J’ai oublié d’y joindre du thé, c’est bête. J’ai des nouvelles de Madeleine. Sa mère vit encore, ses frères font toujours la même histoire de l’appeler de l’appeler subitement et puis la mère se remet, elle est cependant vieille et malade depuis
longtemps. Nous avons été invités aimablement à diner avec Mme Herrmann et les ?? ont été plus somptueux que les nôtres de sorte que M. H. y a gagné et nous régalé ? Samedi chez Elisa un excellent dîner. TU sais Elisa est revenue avec nous et même Daniel (?)et nous avons fricassé notre souper très gaiement. Emma( ?) aide ?? Dimanche, diner chez les Gatte, superfin. Le soir Elisa nous a apporté un poulet rôti avec mayonnaise, on a fait du thé et c’était très bon ; hier lundi, diner chez les
Dietz, une excellente oie et Mme H ? ?? ?? ?? ?? ?? je ne voudrais pas continuer à aller tous les jours en ville à midi ; et aujourd’hui ( ?) nous serons sobres et et n’aurons que le pot-au-feu. La Houvard ( ?) ne nous a pas invité. Ils avaient les petits et les Melkann ( ?) l’aréopage par excellence. Son médecin ? ?? ?? trouve les petites ? tenant l’encensoir ?? et lui va mieux que nous.Papa t’écrit aussi, je n’en savais rien. Adieu mon chéri, mille baisers.
1912-08-05 lettre de George Guénot à Marcel Rieder (50 ans)
Papier à entête d’Émile GUENOT, architecte diplômé par le gouvernement, 45 rue de la Santé (13ème arrondissement)
Enveloppe non retrouvée
Lieux cités : Sèvres (Hauts-de-Seine), Saint Énogat (Ille-et-Vilaine), Saint Tropez Personnages cités : Oncle Marcel ( la maman de George Guénot, Jeanne Gaiffe, a une sœur : Lucie qui s’est mariée avec Daniel Hermann qui a une sœur Nelly (LH) qui s’est mariée avec Aimé Rieder le frère de Marcel), Maurice et moi, , Hugo, famille Guénot, les Herrmann, mon oncle Daniel (Herrmann), Tante Lucie (Gaiffe), Simone ( Herrmann ou Guénot ??)), Jeannette (Jeannette Zipélius, cousine de George, fille de Lucie Gaiffe qui est la sœur de jeanne Gaiffe, épouse d’Emile Guénot), Madeleine et André ( Madeleine Zipelius + André Marty (1882-1973)), Maurice ( Guenot, frère de George, fils d’Emile Guénot et Jeanne Gaiffe), maman ( Jeanne Gaiffe), les filles ( Yvonne Guenot 23-03-1890/10-08-1983 (P. 103 Livre Rieder) et Marthe Guenot ), papa (Emile Guenot), Nous (George, Maurice, Yvonne et Marthe Guénot), beau-frère (Jean Rieder mais par quel lien ? ou cousin par alliance), tante Marion ( Marion Poiriault épouse de Marcel)
Paris le 5 août 1912,
Mon cher oncle Marcel, est-il encore temps et ne nous avez-vous pas désavoué Maurice et moi. Nous devions aller vous voir pour la Fête nationale et boire les bouteilles que nous avions perdus (cochon d’Hugo !) quand pourrons nous les boire maintenant et puis nous devions aussi écrire mais il a fait si vilain que nous ne pouvions pas penser qu’il y aurait des gens à la campagne et même nous trouvions que vous ne veniez pas nous voir souvent et il y a 4 jours j’ai vu 1° le calendrier, 2° que c’étaient la fête de Jean, les vacances, que je n’avais pas encore fait une aquarelle et que tout cela est énorme ??
A gauche, dessin d’un personnage de dos sur un tabouret haut penché sur une grande table avec un encrier
A droite, dessin de profil d’un peintre dans la nature, assis sur un tabouret pliant règle ou pinceau dans une main tendue vers l’horizon et feuille à dessin dans l’autre Avec une légende : voilà ce que je fais et voilà ce que je devrais faire
Qu’en penses-tu, Jean, toi qui a 6 ans ? lL est vrai que je travaille à la banque ce qui est honorable (pour la Banque) qu’en faisant cela, je fais mon Devoir !! Cristi, que c’est embêtant et que je ne dois prendre de vacances régulières qu’en septembre : et les bains et les aquarelles alors !!! Il est vrai aussi que paraît-il, j’ai pris un mois de vacances, avec une tête comme une soupière ratée et la peau tellement tendue que j …. parfaitement. Enfin tout s’est bien passé je suis en-ti-er-ment rétabli dans l’état primitif. (Te deum laudamus). La famille Guénot est toujours à Paris. Les Herrmann sont à Sèvres où ils comprennent …enfin ! pourquoi nous préférons Paris : mon oncle Daniel se prétend tout gonflé d’humidité et craquant de partout. Ma tante Lucie, elle, a reçu tout le café bouillant de la cafetière dans la figure : la cafetière a sauté en l’air et elle est maintenant toute brûlée et a eu très peur pour ses yeux mais, maintenant elle va bien, elle en a seulement pour quelques jours à changer de peau et je crois qu’il n’en restera pas de traces. Simone n’a qu’une idée c’est de partir à Saint-Énogat. Jeannette aussi : elle s’embête un peu toute seule . Heureusement
Madeleine et André seront là demain. Maurice travaille toujours chez Rabowski. IL commence à être un peu vanné n’ayant pas une minute à lui. Maman et les filles vont bien, elles courent les magasins tous les jours, comme d’habitude.
Papa achète des bouquins à force : il a eu quatre jours d’abstention complète à ce point de vue, car il s’est puni lui-même : ayant été (1ère faute) à une messe de mariage, il a (2ème faute) donné 40 sous à la quête par erreur, punition : privation de bouquins pendant quatre jours : oui mais depuis !!!
Depuis, il s’est fait traiter de satyre et de curé dans le métro ; parce qu’il regardait un livre avec gravures d’après Raphael, une petite femme a dit à une autre : « c’est des cochonneries » pauvre Raphael !!et comme il lisait un petit livre en latin un ouvrier a déclaré : « c’est un curé pauvre papa ! avec sa barbe , son pince-nez, son alliance, sa femme, une belle-mère (veuve ( ?) Mme Gaiffe) et quatre enfants (NOUS) être traité de curé !!! Maintenant que je vous ai renseignés sur la famille, j’espère que vous m’avez pardonné de ne pas vous avoir encore écrit, et que même, peut-être, vous me donnerez des nouvelles de mon beau-frère et de ses 6 ans et que vous me ferez une description complète (et un plan coté) de la nouvelle maison : je ne peux pas compter sur André et Madeleine pour ça( des jeunes mariés !!!)
J’espère que vous avez fait des tas d’aquarelles, des tas de balades et puis des tas de bains : mais peut-être a-t-il plu aussi un peu chez vous…
Jean est-il toujours sage ? Sait-il de gros mots nouveaux ? Je me le représente toujours comme ci-dessous vigoureux et actif mais que tante Marion ne m’en veuille pas je n’ai montré ce dessin à personne.
Dessin : on aperçoit un enfant (Jean) dans une cuisine en train de faire voler des assiettes et divers ustensiles dont certains se sont déjà fracassés au sol tandis que Marion (sa mère) est couchée sous une table à dessin et derrière un chevalet pour éviter des projectiles. Dans le coin gauche Marcel (son père) droit comme un i, figé, regarde sans agir. La lampe au plafond déséquilibrée montre que les ustensiles volent haut avant de s’écraser.
Et puis, je veux me réconcilier définitivement avec elle , alors je travaille le (triage ????) à fond (hier seulement) pour la battre !!! Je vous embrasse tous et toute la famille en fait autant.
Votre neveu G.G.
PS : le moral est toujours bon, quoique l’intelligence se réduise à peu de chose. Vous embrasse tout de même. G.G.
1916-01-19 Lettre de Victor Tardieu (1870-1937) à Marcel Rieder
Postée à Beauvais (Oise) le 20 janvier 1916. Enveloppe au format 14,5X11 cm Destinataire : M. Marcel Rieder, artiste-peintre. Montmille. Oise
Personnages cités : Marcel Rieder, Caline (Caroline, épouse de V. Tardieu ?) Jean (fils de Victor Tardieu), la mairesse, Marion (épouse de Marcel), Jean (fils de Marcel et Marion) Lieux cités : Beauvais, Marissel (Oise), Paris, Pont-Sainte-Maxence (Oise), café Potard (Beauvais), Alsace,
19 janvier 1916
Mon vieux Marcel
Je pense que vous nous pardonnerez de n’être allé jusqu’à Montmille mais Caline s’est foulée le pied ces derniers jours à Paris et marche très difficilement. Nous avons voulu prendre une voiture mais il faut des tas de sauf conduit etc…et nous y avons renoncé. Ce sera pour après la VICTOIRE (1) On a fait sauter 2 jours de lycée à Jean, et ils sont repartis hier soir pour Paris par le train de 8h. Nous quittons Beauvais vendredi pour Pont Ste Maxence où nous allons attendre 3 ou 4 jours notre envoi au front.
Je commence à avoir une indigestion de Beauvais que je commence à connaître sur le bourg des doigts …. de pied grâce aux délicieux pavés, si je restais encore 8 jours à Varicelle j’attraperais la Marissel et comme vous le voyez j’ai un esprit bien français.
Tout cela pour vous dire que je m’enfonce de plus en plus dans le plus boueux abrutissement. J’espère que vous n’avez pas trop souffert dimanche dernier et que vous avez replié la redingote des grands jours pour longtemps.
J’ai cru entendre couler en cataracte les larmes de la mairesse au dessert vers 2h1/2 le bruit se percevait nettement sur la place Jeanne Hachette.
Mon pauvre vieux je ne sais plus quoi vous raconter pourtant il faut bien que j’arrive à la moitié de la page suivante par pure politesse.
Votre lettre à Caline m’a bien fait rigoler vous êtes bien l’oncle incarné
La nuit sur nous étend ses voiles et le café Potard se couvre d’ombre mes dents m’élancent sourdement depuis que j’y ai introduit le dentiste du cru je crois bien que je n’aurais plus de repos mes pieds sont à la torture dans mes souliers, trop étroits, mais j’ai une inébranlable confiance dans nos chefs et grâce à eux nous vaincrons surement !
Alors! Rieder vous rentrerez d’un pas paisible et assuré dans votre Alsace reconquise. Vous fumerez d’immenses pipes en porcelaine au lieu des amères petites pipes minuscules de l’exil. Marion disparaîtra sous le bonnet à coques de ses mères et Jean portera le glorieux costume des zouaves.
Dessin avec les Trois personnages + une légende
Le retour à Thann du grand peintre et sa famille
BETTANIER pinxit
Il y a des biplans au plafond
Je vous embrasse avec une ardeur patriotiques pauvres ex annexés
Victor Tardieu
(1) Victoire est pavoisé ce que vous voyez en dessous ce sont les illuminations N.D.L.R.
Marissel est une commune proche de Beauvais rattachée en 1943
Bettanier Albert (1851-1932) est un peintre français mosellan en exil à Paris à partir de 1872. Dans ses toiles il exalte le souvenir des provinces perdues
Pinxit : du latin qui a peint
Transcrit par Patrick Dubreucq à Thomery le 15 décembre 2022